La COVID-19 (et oui c’est une fille) a besoin d’une porte d’entrée cellulaire pour nous infecter. L’une d’entre elles s’appelle l’ACE type 2*. Elle a la particularité de s’exprimer en grand nombre au niveau des cellules cardiaques. Voici pourquoi la Covid induit des atteintes cardiaques. Elle peut atteindre le péricarde et/ou le myocarde. Lorsqu’elle atteint le myocarde, elle est responsable de tableaux souvent dramatiques.

* Pour en savoir plus sur l’ACE type 2, je vous invite à consulter l’article de l’Inserm qui décrit bien les caractéristiques de cette protéïne clé dans la physiologie de la COVID-19

Constitué de trois tuniques, le coeur est un muscle, le myocarde. Les cavités de cette pompe sont recouvertes d’une structure appelé endocarde, les valves sont considérées comme de l’endocarde. Enfin ce muscle cardiaque est contenu dans un sac, appelé le péricarde. Ce péricarde est lui-même constitué de 2 feuillets séparés par une cavité virtuelle. Ces deux feuillets glissent l’un sur l’autre à chaque battement du coeur. Chacune de ces trois tuniques est susceptible de s’infecter. Différemment.

Commençons par l’infection ou, plus exactement, l’inflammation du péricarde appelée péricardite.

Elle est dans l’immense majorité des cas causée par un virus. Historiquement par la tuberculose qui est une bactérie. Revenons à notre virus. Il s’agit d’un virus banal qui tombe amoureux de votre péricarde. C’est une histoire d’antigène, les antigènes sont la carte d’identité de nos cellules, ce sont eux qui font dire à nos cellules qu’on est de même nationalité (celle de notre organisme) ou qu’il y a un étranger en situation illégale sur le territoire. Ce virus a une affinité pour votre péricarde, pas pour celui de votre conjoint ou de votre voisin. Par conséquent la péricardite n’est pas contagieuse. Dans l’immense majorité des cas, il s’agit d’un rhume du coeur. Et comme un rhume, une fois que l’on est guéri, il n’existe aucune séquelle. S’il faut choisir une maladie cardiaque, c’est celle-là. La complication la plus fréquente, c’est la récidive ou la rechute. C’est une maladie sans gravité mais très douloureuse et très fatigante. Quand on fait 5 épisodes par an, c’est usant, il faut donc bien la soigner dés le départ. Le traitement est très simple, repos (pour cicatriser le coeur doit battre entre 60 et 80 battements par minute) et aspirine à forte dose, dégressive pendant 3 semaines. La complication grave mais rarissime c’est la tamponnade. Il arrive que l’inflammation cause l’apparition de liquide autour du coeur. Le péricarde n’est pas extensible vers l’extérieur. Il va donc se déformer vers l’intérieur entrainant une compression du coeur, gênant son fonctionnement. Il convient de drainer ce liquide en extrême urgence, en enfonçant une aiguille sous le sternum pour venir perforer le feuillet externe du péricarde afin d’évacuer le liquide, le tout sous contrôle échographique pour éviter de perforer le muscle cardiaque.

Attaquons-nous maintenant à l’infection, l’inflammation du myocarde, la myocardite.

Le virus ne se contente plus du péricarde, mais il s’enflamme et inflamme le muscle cardiaque. Le myocarde peut être atteint tout seul ou associé au péricarde, on parle alors de myopéricardite. Cette atteinte du muscle cardiaque peut présenter un tableau asymptomatique ou bien aller jusqu’à une défaillance gravissime du coeur nécessitant une assistance cardiaque voire une transplantation cardiaque en super urgence dans les myocardites fulminantes. La myocardite est suspectée sur une élévation de troponine dans la prise de sang, marqueur de souffrance cardiaque et confirmé par des anomalies à l’IRM cardiaque. Le traitement nécessite des médicaments utilisés dans l’insuffisance cardiaque afin d’aider et de protéger le coeur.

Refermons ce chapitre avec la plus délabrante des infections, l’endocardite.

Cette infection (de l’endocarde) est d’origine bactérienne (plus rarement il s’agit de mycoses, de champignons). La bactérie passe dans le sang et vient mordre les valves, entraînant de véritables mutilations. Elle se fixe plus volontiers sur une valve malade, rétrécie ou fuyante. Les quatre valves peuvent être touchées. Si la bactérie passe dans le sang veineux, elle se fixera sur les valves du coeur droit (tricuspide et/ou pulmonaire), cela peut être le cas chez les toxicomanes qui s’injectent leur drogue dans les veines. Si une bactérie passe dans le sang artériel à l’issue de soins dentaires ou d’une opération chirurgicale digestive ou urologique, elle viendra plutôt se fixer sur les valves du coeur gauche (mitrale et/ou aortique). Cette fixation se matérialise sous la forme de végétations qui viennent grignoter les valves occasionnant des fuites. Il arrive que des « morceaux » d’infection soient propulsés à travers la circulation sanguine. Ces embols septiques sont responsables d’une double peine, d’une part, ils occasionnent un infarctus (de rein, de rate…), d’autre part ils disséminent l’infection à travers le corps. Lorsque l’infection siège dans le coeur droit, c’est une embolie pulmonaire qu’elle peut provoquer. L’embol septique, « le morceau » d’infection part dans la circulation pulmonaire et finit par bloquer une artère, créant une embolie pulmonaire et entraînant le développement de l’infection au niveau du poumon. Particularité du coeur, c’est qu’il est très peu drainé par les noeuds lymphatiques, les ganglions du système immunitaire, ce qui fait que les métastases de cancer sont rarissimes au niveau cardiaque. Autre particularité du coeur, les antibiotiques diffusent très mal dans l’endocarde. Le traitement d’une infection bactérienne du coeur impose donc de puissants antibiotiques délivrés par voie veineuse durant au moins 6 semaines. Suivant l’état du délabrement valvulaire consécutif à l’infection, une chirurgie réparatrice de valve peut être nécessaire. L’idéal étant de le faire « à froid » (comme la pression de l’huile d’olive) c’est-à dire une fois l’infection vaincue. Mais nous pouvons être contraints de le faire à chaud en pleine période inflammatoire si la mutilation valvulaire est trop conséquente. Opération nettement plus délicate, il est extrêmement complexe de suturer des tissus infectés. Vous l’aurez compris, mieux vaut se tenir éloigné de l’endocardite, « Primum non nocere » nous ont appris les anciens (d’abord ne pas nuire). « Une pomme par jour éloigne le médecin, pourvu que l’on vise bien », nous apprend Winston Churchill. Dans ce monde technique, interventionniste, et de l’immédiateté, il convient parfois, souvent de prendre son temps. La prévention passera par la prescription de traitement antibiotique en cas d’intervention à risque chez tout patient porteur d’un souffle.