L’athérome, l’athérosclérose, noms barbares du rétrécissement des artères du cœur. Cette plaque d’athérome est constituée d’une bouillie, composée de cellules dites spumeuses (macrophages et cellules musculaires mortes d’overdose de cholestérol, de calcaire, le tout isolé du sang par une plaque fibreuse). Cet athérome se développe aux dépends de la paroi interne de l’artère. Deux théories s’affrontent. La première nous dit que l’excès de cholestérol participe à l’encrassement de l’artère. C’est la théorie retenue. La seconde nous dit que l’athérome débute par une lésion traumatique, microscopique de l’artère et qu’elle se remplit de cholestérol parce qu’il est là, en son absence, cet athérome se remplirait d’autre chose. J’ai plutôt tendance à croire celle-ci pour deux raisons. La première est que l’on diabolise le cholestérol, alors que c’est un élément essentiel. C’est un constituant des membranes cellulaires (notamment cérébrales), le précurseur des hormones corticoïdes (cortisol, aldostérone) comme des hormones sexuelles (progestérone, estradiol, testostérone…) et un constituant essentiel des sels biliaires indispensables à la digestion. Le cholestérol n’est pas l’ennemi. On a décrété un peu arbitrairement qu’il existait un bon et un mauvais cholestérol. Or il n’existe qu’un seul cholestérol, je vous invite à retrouver l’article ici. La seconde, c’est que la baisse du cholestérol n’entraîne pas systématiquement une baisse du risque cardio-vasculaire, tout dépend par quel médicament on obtient cette baisse. Nous y reviendrons dans quelques lignes (teasing…).

Cette plaque d’athérome a 3 évolutions possibles.

Premièrement, à l’aide d’un traitement adapté, elle se stabilise, mais nécessite cependant une surveillance régulière auprès d’un cardiologue.

Deuxièmement, cette plaque progresse, jusqu’à obstruer la majeure partie du diamètre de l’artère. Le porteur de ce rétrécissement devient en général symptomatique, il se plaint de douleurs thoraciques à l’effort, au froid, on parle alors d’angine de poitrine ou d’angor. Imaginez que les globules rouges sont des camions qui transportent de l’essence pour alimenter les stations-services. Vous me pardonnerez cet exemple assez peu développement durable, mais quitte à faire une métaphore utilisant des camions roulant sur une autoroute, allons jusqu’au bout, pour ma part, habitant Paris, cela fait longtemps que je n’ai plus de voiture. Donc des camions lancés à toute blinde sur l’autoroute du soleil pour ravitailler les stations-services. Nous sommes au milieu du mois de mars, cela roule extrêmement bien. Il s’agit de nos globules rouges qui apportent l’oxygène au muscle cardiaque, nous sommes au repos, les artères sont saines, tout va bien. Imaginez la même scène sauf qu’il existe des travaux sur une portion de l’autoroute qui passe de 3 à 1 voie, l’impact au milieu du mois de mars est faible. Il s’agit de notre rétrécissement sur un coeur au repos, pas de symptôme. Maintenant imaginez, ces mêmes travaux, en plein milieu du chassé croisé juilletistes-aoûtiens, je vous vois venir, les camions n’ont pas le droit de circuler, imaginez quand-même ! C’est le bouchon assuré, les stations-services ne sont pas approvisionnées en temps et en heure. Et bien ces travaux en plein été, c’est notre artère rétrécie à l’effort. Le coeur a besoin de plus d’oxygène, de davantage de globules rouges pour le transporter et ça bouchonne ! Le coeur s’asphyxie et nous crie sa souffrance à travers cette douleur.

Troisième cas de figure, le plus redoutable. Cet athérome développé au dépend de la paroi artérielle interne est recouvert d’une plaque fibreuse qui isole la bouillie athéromateuse (cholestérol, cellules spumeuses, calcaire, etc…) du sang. Sur les lésions athéromateuses récentes, la plaque est plus fragile. Il arrive que cette plaque, en raison d’une agression (physique par traumatisme, inflammation) se fissure, ou se rompe même. La bouillie entre en contact avec le sang, déclenchant une réaction biochimique conduisant à la formation d’un caillot. Ce caillot constitué de globules rouges, de plaquettes, de fibrine, thrombine, bouche l’artère et c’est l’infarctus. Ici du myocarde. Mais dès lors qu’une artère du rein, de la rate, se bouche, on assiste à un infarctus rénal, splénique. La zone du coeur qui n’est plus irriguée en raison de ce bouchon, se meurt peu à peu. Il nous reste alors quelques heures pour intervenir et déboucher cette artère en extrême urgence, afin de limiter au maximum les dégâts c’est-à-dire l’étendue de la cicatrice, la surface de muscle cardiaque mort. Nous allons voir comment.

Mais avant cela, je voudrais attirer votre attention sur un paramètre. Si vous m’avez bien lu, vous comprenez que les infarctus surviennent plutôt sur de petites plaques fragiles, et non pas sur de vieux rétrécissements importants qui parlent en entraînant des symptômes. C’est la raison pour laquelle, un patient qui présente un infarctus sur deux ne présente aucun symptôme annonciateur. Le coup de tonnerre dans un ciel serein. Tout va bien et d’un coup d’un seul, la violente douleur vous serre la poitrine comme dans un étau. C’est aussi la raison pour laquelle, vous entendrez des histoires de chasse où 15 jours après avoir fait un test d’effort normal chez son cardiologue, le sujet présente un infarctus. Nos tests ischémiques (échographie d’effort, IRM de stress ou scintigraphie myocardique) ne détectent que les rétrécissements suffisamment importants.

Que l’artère soit complètement bouchée, ou suffisamment rétrécie pour occasionner une souffrance, il nous faut la rouvrir. Pour cela, une piqûre au niveau du poignet pour endormir la peau, et vous sentez la même chose que pour une prise de sang, puis plus rien. Ensuite, on pique l’artère radiale (une des artères du poignet, celle que vous sentez battre quand vous prenez votre pouls), et on fait cheminer à travers cette artère, un petit tuyau, on remonte à contre-courant jusqu’à l’aorte. Puis on injecte alors de l’iode directement à la naissance de chacune des artères coronaires. L’iode agit comme un révélateur à la radio qui va nous permettre de visualiser les artères en les moulant, afin d’identifier un bouchon ou un rétrécissement. Une fois le coupable trouvé, on vient glisser jusqu’à lui un ressort (appelé stent) serti sur un ballonnet dégonflé, que l’on vient déployer en gonflant ce ballonnet à une forte pression (jusqu’à 12 Atmosphères, c’est comme si vous effectuiez une plongée à 110 m de profondeur) afin d’impacter le stent dans le bouchon pour rouvrir l’artère. Une fois déployé, le stent ne peut plus se retirer. Ce ressort est un corps étranger et comme le corps ne peut l’expulser, il va l’isoler. La mise en place d’un stent déclenche une repousse cellulaire, comme s’il n’y avait eu ni plaque d’athérome, ni stent.

Parfois la machine s’emballe, et ça n’est pas une couche de cellules mais des dizaines qui occasionnent alors au fil du temps un nouveau rétrécissement qui peut conduire à la mise en place d’un second stent dans le premier. Afin d’éviter cet emballement cellulaire, les stents dits actifs ont été développés. Ils libèrent pendant quelques mois une substance qui évite cet emballement. Ils nécessitent de suivre rigoureusement le traitement médicamenteux, car l’arrêt des médicaments qui fluidifient le sang peut voir émerger une réaction biochimique qui vient boucher d’un coup le stent actif et c’est un nouvel infarctus.

A ce propos, mettre un stent revient à ramoner la cheminée. Pourquoi ramoner la cheminée ? Parce qu’elle est sale. Pourquoi est-elle sale ? Parce qu’on y fait du feu. Si je ramone la cheminée et que je refais du feu, elle va de nouveau s’encrasser. Et bien c’est pareil ici. Si je mets un stent (je ramone) sans rien d’autre, dans 6 mois il sera bouché. Il nous faut éviter de faire du feu dans la cheminée, et ça, c’est avec le traitement médicamenteux. Les deux classes médicamenteuses les plus importantes sont les antiagrégants plaquettaires, médicaments qui fluidifient le sang, empêchant le caillot d’obstruer complètement l’artère et les statines. J’entends d’ici vos cris d’effroi !!! Comment peut-il les conseiller ? Je pense qu’il y a une méprise du grand public. Parmi les médicaments qui font baisser le cholestérol, les statines sont ceux qui ont entraîné le plus de diminution d’infarctus et d’accident vasculaire et ce quel que soit le taux de départ de cholestérol et quelle que soit la baisse de ce cholestérol. Les statines ont un effet dit pléiotrope, un effet anti-inflammatoire qui protège la plaque d’athérome, qui l’empêche de se rompre. C’est par cette action, plus que par la baisse du cholestérol, qu’elle obtient ses excellents résultats. Pour les plus réfractaires, il existe une statine naturelle, avec les mêmes propriétés, semble-t-il, la levure de riz rouge. J’ai pu constater entre le début de mon internat et la fin de mon clinicat, une baisse drastique du nombre d’infarctus. Nous sommes passés d’un par jour minimum, à un par semaine. La différence entre ces deux dates est le nombre de patients protégés par l’aspirine et les statines. Enfin, pour clore ce débat, un couple de patients est venu me consulter parce que leur précédent cardiologue leur avait dit, c’est les statines ou la porte. Vous connaissez leur choix. Je suis prêt à l’entendre, mais aussi à l’accepter. Simplement, j’estime que le patient coronarien (avec une atteinte coronaire) qui refuse les statines, présente davantage de risques, à ce titre il doit être plus étroitement surveillé.

Enfin, un hommage est ici rendu à l’excellent travail de nos confrères chirurgiens cardiaques qui réalisent un travail de haute couture en réalisant les pontages, qui sont en fait des itinéraires bis sur les autoroutes. On détourne une artère de son but (les artères mammaires chez l’homme par exemple, lesquelles ne servent pas à grand chose), pour venir la brancher après le bouchon sur la coronaire malade. Imaginez que nos chirurgiens travaillent sur des artères de 3 mm de diamètre. Tout est dit. Nous faisons appel à eux dans certains cas, quand la mise en place de stents est trop délicate. Petit message personnel, il est quasiment plus risqué de continuer de fumer avec un stent que sans. Respectez le travail de nos confrères chirurgiens et interventionnels qui vident leurs surrénales pour vous, arrêtez de fumer. Elle vous le dit elle-même, cig-arrête !

A noter que nous pouvons retrouver des plaques d’athérome sur les artères du cou et les artères de jambes, bien que la constitution de ces artères diffère un peu de celles des artères du coeur.